Ils étaient plusieurs milliers à se déplacer le week-end dernier au tombeau du Bx Père Laval. Venus des quatre coins de l'île, souvent en groupes, enfants, femmes et hommes toutes religions confondues ont rendu hommage à l'Apôtre des Noirs pour sa contribution à l'Église et à la société mauricienne. Prier que son exemple les guide et les porte dans leur quotidien. Une marée humaine réconfortée par un même message : «Avek Père Laval, na pa zet lekor», thème du pèlerinage 2007, et ce en lien avec la Lettre pastorale de cette année («Ayez le courage d'espérer»), invitant à la confiance dans le Christ, à croire dans nos capacités communes et à persévérer.
Prenant exemple sur le père Laval, Mgr Maurice E. Piat a exhorté les Mauriciens à un véritable engagement face à la drogue et au VIH/sida. Pour ce faire, il leur a proposé trois pistes d'action. D'abord, ne jamais y rester indifférent : «Pran kont, ouver lizie.» Puis, ne pas s'adonner à des pratiques de rejet : «Donn lamin, soutenir.» Et encore, «ne pas être spectateur, mais acteur et s'engager pleinement dans la prévention».
Dès ses premiers mots, l'évêque s'est donné la peine de situer l'ampleur du fléau de la drogue et de son corollaire, le VIH/sida. Avec comme motivation celle de contrer l'indifférence. Le VIH/sida se propage aujourd'hui à 90% par des seringues infectées. 10% des jeunes de moins de 25 ans s'injectent de la drogue. Le pays occupe la première place sur le continent africain et deuxième au niveau mondial en termes de consommation de drogue, a rappelé Mgr Maurice E. Piat.
La drogue, dira encore Mgr Piat, conduit à la violence et à l'insécurité. «Quand la personne est fat yen en manque , la souffrance est terrible. Elle est telle qu'elle n'a plus peur de la police, des coups. Son obsession est de se trouver sa dose. Ladrog fan insekirite dan pei. Ki nou pou fer ek nou zoli lakaz, nou zoli loto ? Eski nou bizin met nou zoli bizou dan labank ?»
Tous vulnérables
Tout un tableau qui l'a conduit à s'étendre sur la capacité du VIH/sida à se développer de manière exponentielle et sur ses dangers. «La drog pa zis dan site ; tou kominote konserne. Lavil, vilaz, zom, fam. La drogue répand aussi le VIH/sida parce que les gens sont sexuellement actifs. Elle a fait son entrée dans les collèges ; quelque cent jeunes vivent aujourd'hui avec le VIH/sida. Personne ne peut aujourd'hui dire : Dans nou pena sa. Mo fami a labri. Nous sommes tous vulnérables. Tous !»
De l'avis de Mgr Maurice E. Piat, la drogue et le VIH/sida sont les «problèmes numéro un» du pays. Détruisant notre jeunesse, apportant souffrance dans les familles et affaiblissant notre force de travail. Et de pointer du doigt les «approches fragmentées» tout en préconisant «la collaboration de tous et un leadership fort».
Décision de cœur
Plus loin, Mgr Maurice E. Piat s'est interrogé : «Qui parmi nous ira causer avec les pharaons, les barons de la drogue ? Pour leur porter le message suivant : Zot osi ena fam, zanfan, fami. Zot osi kon lasoufrans. Comment pouvez-vous dormir tranquillement alors que vous investissez dans une culture de la mort, dans la mort de notre société ?» Et d'insister que la police seule ne peut arrêter ce commerce de la mort. Car il faut au préalable une «décision de cœur».
Développant son deuxième point ne pas s'adonner à des pratiques de rejet , en s'appuyant sur l'évangile du jour (les apôtres nourrissant la foule avec cinq pains et deux poissons), Mgr Piat a invité les Mauriciens à être aux côtés des toxicomanes et des porteurs du VIH/sida.
Droits et devoirs
«Qui va descendre sur le terrain ? Qui va partager ses cinq pains ? Ses cinq pains de courage, d'amitié, de générosité. Ne les accablez pas, ne les stigmatisez pas : Pa dir zot inn rode, tan pi. Ces frères et sœurs sont des enfants de Dieu ; ils ont droit à un traitement gratuit, à un encouragement, à un soutien pour continuer leur vie»
Des droits, mais aussi des devoirs de la part de celui/ceux qui s'engage/nt dans des comportements à risques : se soumettre à des tests de dépistage, prévenir son/sa partenaire de son état de santé, se protéger et protéger son/sa partenaire et, en aucun cas, mettre la vie des autres en danger.
Lecteurs engagésIncitant les Mauriciens à «être acteurs» dans le combat du VIH/sida, Mgr Maurice E. Piat a rappelé que cette maladie ne s'attrape pas à la manière d'une grippe ou encore du chikungunya. «Bizin al rod-li. Donc, il y a la possibilité de faire un travail de prévention. De décourager les gens à aller chercher la maladie pour l'emporter chez eux. La drogue, c'est une marchandise, un commerce. La pub nous dit qu'elle donne le nisa. C'est archifaux ! La jouissance ne dure que quelques moments et, après, c'est une très grande souffrance.»
Pour ce faire, l'évêque en appelle à la jeunesse mauricienne pour montrer qu'une vie heureuse et épanouie est possible sans drogue, sans alcool. Et, s'adressant aux diverses composantes de la société, il a fait un vif plaidoyer pour des «loisirs sains où les jeunes seraient acteurs», l'encadrement de ces derniers, dans différents domaines, par de jeunes adultes, l'organisation d'«activités sociales volontaires permettant aux jeunes de donner de leur temps au service de la société».
Mgr Maurice E. Piat a conclu son plaidoyer par un appel aux autorités. En faveur d'un «plan national» de lutte, porté par la concertation et un «leadership fort». Avec la contribution de toutes les communautés et religions. Ce, avant de «rendre grâce pour tous ceux qui se donnent de la peine, de leur courage, de leur temps pour barrer la route à la drogue et au VIH/sida».
Danièle Babooram