Mauricien et spiritain, Mgr Maurice Piat, évêque de Port-Louis depuis 1993, explique pourquoi et comment le Père Laval reste un homme à suivre.
Comment avez-vous appris à connaître le Père Laval ?
Enfant, mes parents m’emmenaient à Sainte-Croix pour la fête du Père Laval, les 8 et 9 septembre. Nous allions régulièrement à l’ancien caveau et à la vieille église détruite par le cyclone. Quand vers 15-16 ans, j’ai pensé à devenir prêtre, la figure du Père Laval s’est imposée à moi. J’ai parlé de lui dans ma lettre de demande d’admission dans la congrégation. Il n’était pas pour moi d’abord un thaumaturge, mais une figure de père dans la foi. Ma famille m’a révélé aussi des liens entre elle et lui. Ma famille conserve une lettre du Père Laval dans laquelle il demande à mon arrière-grand-père du bois pour construire une chapelle. Le P. Joseph Michel place dans la liste des membres de la 1re Conférence de St-Vincent-de-Paul, Alfred Kœnig, un autre de mes grands-pères. Ces liens avec le Père Laval m’ont beaucoup touché.
Comment le Père Laval a-t-il marqué aussi fortement les Mauriciens ?
Le Père Laval a marqué Maurice parce que les gens se sont sentis très aimés. Il a su refusé la « gran’case » des bourgeois et ouvrir son petit bureau au bord de la route pour que le plus pauvre se sente à l’aise en face de lui. Il s’est investi pour partager sa foi autant que pour le développement humain des familles dans tous les quartiers. Il s’est mouillé, lui-même avec nombre d’autres, dans le soin des mourants au cours des 2 épidémies de choléra. Les gens ont ainsi vu un missionnaire qui s’est vraiment mêlé à la pâte humaine. Il a su très fort épouser le sort des esclaves libérés sans écarter les autres. Son engagement a eu un effet d’entraînement sur les religieuses et sur bien d’autres. Il a voulu atteindre le plus rapidement le plus de monde possible pour faire le bien en grand.
Ses façons de faire restent-elles utiles pour une pastorale d’aujourd’hui ?
Sa 1re intuition a été son exigence pour qu’existent des familles stables. Partout, aussi bien dans les familles des ex-esclaves que dans les autres, le relâchement était très fort. Il ne cessait de répéter que pour avoir de bons enfants, il faut de bons parents. Cette exigence reste d’actualité.Mgr Margeot avait déjà insisté sur cette stabilité. Elle reste plus que jamais nécessaire aujourd’hui.
Sa 2e intuition a été sa grande confiance aux laïcs, surtout aux femmes catéchistes, aux conseilleuses. Sa façon d’appeler et de former les laïcs a fait rayonner son apostolat autour de ses chapelles.
Il a aussi beaucoup catéchisé les adultes, avant et après le baptême. Cela aussi reste d’une grande actualité. Pas de transmission de la foi sans parents qui s’y engagent. Le Père Laval a su mettre sur pied des noyaux de gens responsables. Nous en avons encore besoin aujourd’hui. L’accompagnement de chacun par l’écoute et la confession aura marqué l’apostolat du Père Laval. Nous constatons aujourd’hui une même soif d’écoute et de réconciliation.
Que dirait le Père Laval aux Mauriciens d’aujourd’hui ?
Je crois qu’il nous dirait : porter une attention privilégiée aux plus pauvres ne divise pas un peuple mais l’unifie. Lui s’est préoccupé en priorité des pauvres, c’est sa grande intuition. Si aujourd’hui toutes les classes sociales se retrouvent autour de lui, c’est pour ça.Les pauvres le lui ont d’ailleurs bien rendu. L’attention authentique portée aux plus pauvres crée un vrai courant d’unité dans un peuple. Enfin sur la photo que nous connaissons de lui, le Père Laval montre le Christ en croix comme seule source de salut pour l’humanité. Ce message vaut aujourd’hui encore pour tout Maurice.
Les spiritains continuent-ils la mission du Père Laval ?
Le Père Laval a manifesté un grand dynamisme pour les plus pauvres et les plus éloignés de l’Église, baptisés ou non. La tentation est forte dans notre Église de rester entre soi. Laval est sorti des cadres pour aller vers ceux qui n’osaient pas aller vers l’Église. Ce serait une priorité pour les spiritains d’aller vers ceux qui ont soif d’être écoutés et épaulés et qui n’osent pas s’approcher de l’Église. Cette soif existe ici chez les Créoles mais aussi chez de nombreux autres qui attendent respect, formation humaine et spirituelle.
Un centre Père-Laval se lance. Qu’en attendez-vous ?
Qu’il soit un lieu d’accueil pour les pèlerins, mauriciens et autres, de toutes religions qui viennent prier le Père Laval à Sainte-Croix. Cet accueil répond à la soif de beaucoup de gens. Qu’il permette aussi de mettre des laïcs debout pour un meilleur service dans l’Église et la société. Je crois que ce service des spiritains permettra de faire connaître un Père Laval missionnaire de l’Évangile et pas seulement thaumaturge. Un missionnaire qui rappelle à chacune et à chacun son rôle de chrétien dans notre monde.
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