Cette année, nous célébrons les 150 ans de la disparition du Père Jacques Désiré Laval.
Quand il accepte de venir travailler à Maurice, le Père Laval ne se doute pas de l’immense chantier et des difficultés qui l’attendent dans cette mission. Nouvellement ordonné prêtre après une brillante carrière comme médecin, c’est dans l’anonymat qu’il débarque à Maurice, le 13 septembre 1841, du voilier Tanjore, en compagnie de Mgr Collier, après une traversée d’une centaine de jours.
Le catholicisme est à l’époque en danger : ils sont peu nombreux ceux qui pratiquent cette religion. Le pays est rongé par divers fléaux, notamment l’ivrognerie, encouragée par les Blancs, qui peuvent ainsi maintenir les Noirs dans une certaine docilité. De nombreuses personnes vivent en concubinage. Port-Louis doit également faire face à divers troubles, dont des incendies criminels et des vols avec agression. Des mesures draconiennes sont prises par le gouverneur, Sir Lionel Smith, pour rétablir l’ordre.
En quête de moralisation.
L’arrivée de quatre passagers apostoliques est donc considérée comme une chance pour le pays, en quête de moralisation pour les anciens esclaves, et qui prie pour que règne l’ordre social. Les publications de l’époque, dont Le Mauricien, confèrent même au clergé la tâche d’“éveiller des sentiments religieux dans le cœur d’êtres dégradés par les vices de l’esclavage et les excès de la liberté, attaquer leurs superstitions grossières, leur donner la conscience de leurs devoirs, leur inspirer l’amour du travail, en faire des hommes et des chrétiens. Quel champ plus vaste peut être ouvert à des ambitions qui n’agissent qu’en vue du ciel ? L’heure de la réforme morale de nos ci-devant apprentis peut être avancée ou retardée; cela dépend en grande partie des travaux et des enseignements du clergé”.
Dans cette colonie devenue britannique après la bataille du Grand Port, le 3 décembre 1810, le protestantisme règne dans l’île. Le statut juridique de l’Église catholique a cependant été maintenu, selon les engagements pris par le gouvernement britannique. Mais l’Église catholique ne rayonne pas, avec des prêtres peu enclins à jouer leur rôle, selon le constat qu’en fera par la suite le père Laval dans ses diverses correspondances.
Changement démographique.
Maurice est en pleine période de transition, entamée en 1830 : l’abolition de l’esclavage, l’apprentissage des anciens esclaves et l’arrivée des immigrants indiens provoquent un changement démographique. Hormis les Blancs, le pays compte environ 70,000 anciens esclaves sur les 140,000 habitants recensés en 1841, des descendants d’anciens colons ou de marins français, et un peu moins de 2,000 Britanniques. Ces derniers sont, pour la plupart, des fonctionnaires, des commerçants, officiers ou des soldats irlandais. Les données ont progressivement changé après l’abolition de l’esclavage, avec l’arrivée massive d’immigrants venus principalement de l’Inde.
L’annonce de sa mission auprès des Noirs vaut au Père Laval bien des quolibets. Pour beaucoup, cela semble une perte de temps, d’autant que ses prédécesseurs n’ont pas pu faire grand-chose. Mais l’approche du missionnaire a vite fait taire les mauvaises langues : c’est avec beaucoup de respect qu’il aborde ceux qui, alors qu’ils étaient esclaves, étaient considérés comme des objets, des biens meubles.
Les auxiliaires laïcs.
Ayant gagné la confiance des Noirs, le missionnaire voit ces derniers venir le rencontrer au presbytère situé à côté de l’église St-Louis. La maison du père Laval deviendra le siège de la Mission des Noirs. Elle a aussi servi de salle de catéchisme et de chapelle.
Avec le protestantisme et le prosélytisme exercé par l’administration britannique, la tâche du Père Laval n’est guère aisée. Jean Lebrun, arrivé en 1814, se met également au service des gens de couleur et fonde plusieurs écoles. Il prend une part active dans la lutte pour l’égalité des Noirs et des Blancs.
Pour l’épauler dans sa tâche, le Père Laval a vite fait de trouver une solution, en déléguant certaines de ses responsabilités à ceux qu’il a instruits, baptisés et mariés. C’est ainsi que divers groupes de couples de catéchistes sont créés, formant le groupe des auxiliaires laïcs du Père Laval. Le plus connu, Emilien Pierre, est un ancien esclave.
Aumônier de la prison de Port-Louis, nouvellement construite, le prêtre y passe de nombreuses heures auprès d’hommes et de femmes incarcérés. Il a également pour tâche d’accompagner jusqu’à l’échafaud des condamnés à mort. Son travail à la prison a grandement favorisé la réinsertion de ceux qui ont purgé leur peine car il s’assure qu’ils trouvent un travail. La prison est aussi un lieu de conversion pour des travailleurs engagés indiens qui y sont incarcérés.
Redonner la dignité.
Malgré les nouvelles tâches qui lui sont confiées, le père Laval ne se laisse pas gagner par le découragement. Il conquiert le cœur des affranchis pour la pratique de la religion et touche celui des Blancs, incitant un bon nombre d’entre eux à renouveler leur vie par l’Évangile.
Sa popularité grandit, favorisant l’émergence de nouveaux lieux de culte un peu partout dans l’île. En quelques années, le père Laval accomplit bien plus de choses que ses confrères qui l’ont précédé. Son charisme, son dévouement à redonner leur dignité aux Noirs, son courage et son amour pour les autres, contribuent à le rendre très populaire. Le journal Le Cernéen dira de lui : “Le Père Laval a été envoyé pour évangéliser les pauvres, mais il a aussi ramené les riches vers Dieu; il a été l’apôtre de Maurice dans toutes les classes et, avant de fermer les yeux, il a vu une seule famille de Mauriciens dans la sainte Église catholique.”
Les funérailles du père Laval se déroulent devant une foule estimée à 40,000 personnes.
Sources : Père Bernard Hym du Centre Père Laval; Satyendra Peerthum, historien; Le Père Jacques Laval, le “saint” de l’île Maurice de Joseph Michel; L’apostolat du Bienheureux Père Laval (1841-1864) d’Amédée Nagapen.
Le Mauricien
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