Père Vincent Jauffrieau : «A Maurice, j’ai découvert le Père Laval, une personne, sa mission»
«Je ne regrette rien. Le parcours fut différent de celui que j’avais imaginé, affirme le père Vincent Jauffrieau, petit neveu à la 6e génération du Père Laval, au sujet des onze mois passés à Maurice. Un départ, c’est toujours triste, mais il y aussi l’impatience, la joie de renouer d’autres relations».
L’histoire du Père Laval est bien entretenue dans sa famille Jauffrieau ; c’est surtout la grand-mère du père Vincent qui s’en charge. «Nous avions dans la famille un grand tableau du Père Laval montrant la croix du Christ, ainsi qu’un vieux livre en cuir relatant sa vie et sa mission. Nous savions qu’un jour il serait béatifié ; d’ailleurs, la famille priait pour».
La béatification du Père Laval, en avril 1979, va être un moment fort pour la famille. C’est l’occasion de «retrouver tout plein de cousins qu’on ne connaissait pas». L’occasion pour le papa de Vincent d’offrir à chacun de ses dix enfants le livre, dédicacé, du Père Joseph Michel sur le Père Laval. Le jeune Vincent est alors âgé de 16 ans. «J’avais simplement conscience que c’était une personnalité dans la famille. Quelqu’un qui est prié pour les grandes joies comme pour les grandes tristesses familiales».
Le jeune adolescent lit le livre, puis «passe à autre chose». De temps à autre, avec sa famille, il participe au pèlerinage qu’organise Etienne Gaullier avec les descendants du Père Laval. «C’était l’occasion de partager des souvenirs, de resserrer les liens».
Mais ce n’est que lorsqu’il entre au séminaire que le déclic commence à se faire. Sa passion de l’histoire et des personnages historiques le rapproche un peu plus de son ancêtre. L’envie de connaitre davantage ce saint tant aimé par les Mauriciens le titille.
Et c’est symboliquement que le nom du Bx Jacques-Désiré Laval se glisse pour la litanie des saints, lors de son ordination presbytérale. «On avait un saint dans la famille, il fallait le mettre». Mais après son ordination, les choses sont plus claires pour notre interlocuteur. «Il fallait que je vienne à Maurice, que je commence mon ministère sous le regard du Père Laval».
Premier plongeon à Maurice
Ce sera chose faite en 1996, lors d’un séjour d’une semaine ici. «Je n’avais jamais été aussi loin, ni n’avais connu aucun pays exotique. J’ai été impressionné par le pèlerinage au tombeau du Père-Laval ; par le monde qui s’y bousculait, fait de chrétiens et de non-chretiens. J’ai découvert les tabagies Père-Laval, les rues Père-Laval… Les choses prenaient sens. J’ai rencontré des Spiritains qui m’ont davantage fait connaître cet ancêtre…»
De retour en France, occupé à ses charges pastorales, le père Jouffrieau prend ses distances de Maurice. «Je ne suivais plus l’actualité du Père-Laval ni celle de Maurice» avoue-t-il. Même si au plus profond de lui se niche le désir de faire un séjour plus long, plus profond. «J’en avais parlé aux pères Hym et Zimmermann, puis à l’évêque de Troyes. Ce dernier – qui favorise au maximum l’épanouissement et la réalisation de ses prêtres – m’avait confié : ‘qu’on verra plus tard.’» Un plus tard qu’il avait renvoyé à un avenir lointain lorsque, lors de la semaine sainte 2007, son évêque vient «déprogrammer mon programme et me proposer de partir».
Une année sabbatique enracinée
L’année sabbatique après dix années de vie sacerdotale, il la passera donc à Maurice, comme ‘fidei donum’ au sein du diocèse de Port-Louis. «Je n’avais pas trop envisagé les choses. J’avais tout simplement envie de vivre loin de mes habitudes, le désir de vivre autrement ce temps de prêtrise tout en n’étant pas en position de responsabilité».
Attaché comme «vicaire de passage» à Sacré-Cœur, Beau-Bassin, il avoue que cette fonction a eu des atouts : «J’étais attaché à un endroit, avec des personnes pour vivre ce temps de découverte. J’avais des racines qui me permettaient de découvrir de l’intérieur».
Et d’octobre 2007 à septembre 2008, ce fut un temps riche. «Le Père Laval, je l’avais lu dans les livres. A Maurice, j’ai découvert une personne, sa mission…J’ai découvert ce que c’était que d’être un descendant du Père Laval et ce que cela représentait comme poids. comme héritage et comme attente. J’ai découvert à quel point le Père Laval reste très actuel. Et bien des choses dans le quotidien de mon ministère de vicaire m’ont ramené à lui : la formation de collaborateurs pastoraux m’a ramené à la place qu’il accordait aux auxiliaires laïcs. Les visites aux prisons, à La Passerelle m’ont renvoyé à son souci des plus défavorisés. Les chapelles que j’ai vu construire ici – alors qu’en France, on démolit les églises – me ramène à cette aptitude du Père Laval à faire foisonner ici et là des lieux de culte»
De plus, une fois par mois, le jeudi, le père Jouffrieau prend le temps pour dévorer, à Sainte-Croix, les livres sur le Père Laval et causer avec les Spiritains. «Ce que je lisais prenait chair… Les lettres du Père Laval m’ont aussi amené à comprendre à quel point certains débats sont encore d’actualité : l’élitisme du système éducatif, les dépenses autour de la Première communion…»
Et s’il n’a pas bousculé les choses dans sa fonction de vicaire paroissial à Maurice, se contentant de «suggérer, proposer, marcher avec», le père Jouffrieau emporte néanmoins de «belles chose reçues ici». Entre autres, la «rencontre de l’île Maurice à travers des gens, des événements locaux, des événements mondiaux vécus ici», la mise sur pied d’une Equipe 3 Ans, la découverte de la permanence paroissiale, la bénédiction des maisons, la confirmation à des enfants de 10 ans, le «suivi des histoires de famille à travers le mariage, le baptême onze mois plus tard et aussi le deuil»…
L’île Maurice, le père Jouffrieau l’a vue à travers Beau-Bassin. Et les Mauriciens au travers des paroissiens. «Ce fut une année charnière faite de temps de rencontres, de réflexions et d’accompagnement. Maintenant, il faut ‘digérer’ tout ce vécu. Digérer le Père Laval. Et se mettre dans la disposition suivante : Va ou le Seigneur t’envoie. C’est-à-dire, prendre la responsabilité d’une paroisse urbaine (mi-rurale mi-urbaine) où je serai le seul prêtre résident (…) Je ne regrette rien : la boucle est bouclée.»
La Vie Catholique, Danièle Babooram
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