11/30/2006

Le Père Laval et les laïcs

Port-Louis, île Maurice, 1843. Le P. Laval appelle et forme des laïcs pour une mission de pionniers qui a implanté l’ÉgliseLe P. Laval arrive à l’île Maurice le 13 septembre 1841.
Aussitôt lui est confiée la Mission des Noirs. À cette époque, l’ambiance était telle que lorsqu’un prêtre s’occupait des Blancs, les Noirs ne s’adressaient pas à lui, et inversement.

Le P. Laval se retrouve bien seul dans son travail. Les circonstances l’amènent à s’adjoindre très vite des laïcs.

En janvier 1843, lui est confié en plus l’enseignement religieux de 400 garçons et filles d’un pensionnat et le service de vicaire, une semaine sur trois. Comment faire pour l’accueil des Noirs qui passent à longueur de journées, dans sa maison en bois ? Il remarque, parmi les nouveaux chrétiens, Édouard Labelle, un créole (descendant d’esclave) seychellois. Il le forme et l’établit comme catéchiste dans son pavillon. C’est un succès.

Dès lors le P. Laval n’a qu’un souci : trouver des catéchistes. Un soir en entrant dans la cathédrale pour le catéchisme, il remarque un homme portant une grosse corde comme ceinture, qui est en prière. Une intuition le traverse : " Voilà un homme qui pourra me rendre de grands services ! " II ne lui dit rien. Il le prépare au baptême, en lui apportant une grande attention. Puis il l’emmène avec lui visiter les gens. Trois ans plus tard, il lui dit : " Émilien, suis Dieu et suis-moi ! " C’est Émilien Pierre, le plus grand catéchiste du P. Laval. Il est envoyé dans de nombreux coins de l’île pour préparer le chemin des missionnaires ou pour les épauler. Il forme d’autres catéchistes.

Une deuxième circonstance. La fille d’un Noir libre (qui n’était pas esclave), Phanie Desfossés, habite à quelques kilomètres de Port-Louis, la capitale. Elle vit sa foi avec ferveur. Phanie désire enseigner le catéchisme aux gens de son village. Le P. Laval accepte. Elle les rassemble, dans le fournil de son père, qui est décédé. Face au succès, le P. Laval vient un jour, en apportant une nappe qu’il étend sur la table, des chandeliers, un crucifix et une statue de la sainte Vierge qu’il place dans la gueule du four. Il bénit cette pièce qui devient la première chapelle du P. Laval.

À cette époque, son catéchisme a tellement de succès que la population de nombreux villages éloignés vient jusqu’à Port-Louis pour se faire instruire et assister à la messe. Les familles qui ont les moyens viennent s’installer quelques années à la ville, pour que leurs enfants soient catéchisés et baptisés. Avec l’expérience de Phanie Desfossés, le P. Laval comprend qu’il faut aller chercher les gens chez eux, en construisant des chapelles dont un catéchiste a la responsabilité.

À partir de ce moment, des chapelles surgissent partout.

Le P. Laval constate, lorsqu’il se rend auprès des mourants, que ceux-ci ne connaissent rien de leur religion. Il confie à des chrétiennes de s’occuper des malades, de leur apprendre les rudiments de la foi et de les préparer à recevoir le sacrement des malades. Elles deviennent aussi catéchistes.

Les deux plus célèbres sont Ma Céleste et Joséphine François. Pendant plus de 20 ans, Ma Céleste enseigne des malades ignorants. Quand elle vient chercher le P. Laval, c’est pour passer chez 4 ou 6 personnes pour leur donner le sacrement des malades.

Joséphine François habite dans un quartier au sud-ouest de Port-Louis où sont entassés dans des baraques de nombreux pauvres. Elle visite les malades et a un charisme de réconfort. Des familles riches lui demandent de venir réconforter leurs malades. Elle a aussi la charge d’une chapelle avec son mari.Grâce à eux la foi chrétienne s’est répandue dans toute l’île.Grâce à vous les laïcs, la foi chrétienne peut demeurer vivante et s’étendre même s’il n’y a qu’un petit nombre de prêtres.

Courage, ne désespérons pas !

P. Louis Verchère

Jacques-Désiré Laval, un homme à suivre

Toutes races, professions, religions confondues, des milliers de croyants prient toute l’année auprès du Père Laval à Sainte-Croix. Gestes de foi impressionnants !

Port-Louis, 8-9 septembre 2006. Plusieurs centaines de milliers de Mauriciens de toutes religions se pressent autour de l’église Sainte-Croix pour le pèlerinage annuel auprès du Père Laval.

Mgr Piat préside la messe télévisée de 20 h. Il lance, en créole, un vibrant appel pour la solidarité envers les plus démunis, affirmant qu’elle est un devoir de chaque citoyen et non une option. Il demande un soutien impératif aux petites entreprises, une éduction solidaire basée sur un système d’entraide à la place d’une compétition féroce, et un plus grand respect pour les sidéens dans l’éducation et la santé.

Le Père Laval est d’abord médecin chez lui, en Normandie. Spiritain, il travaille à l’île Maurice de 1841 à 1864. Il prend en compte la langue des anciens esclaves et pousse les auxiliaires laïcs à prendre part à son action d’évangélisation. Il meurt épuisé le 9 septembre 1864 à Port-Louis. Le soir de sa mort, une foule nombreuse porte son corps depuis la cathédrale jusqu’à Sainte-Croix où il avait exprimé le désir d’être enterré. Au jour anniversaire de sa mort, une foule encore plus nombreuse refait le même parcours. Depuis, tous les ans avec, chaque fois, plus de monde. Le 22 juin 1972, Paul VI proclame l’héroïcité des vertus du Père Laval. Le 29 avril 1979, Jean-Paul II le proclame Bienheureux.

" Le secret du zèle missionnaire de l’apôtre de Maurice, déclare-t-il, nous le trouvons dans sa sainteté, dans le don de toute sa personne au Christ, inséparable de sa tendresse pour les hommes, surtout les humbles et les plus démunis. Ses paroles toutes simples leur allaient droit au cœur, parce qu’elles venaient d’un cœur modelé sur celui du Christ et rempli d’amour pour eux. Cet amour des pauvres a inspiré toute son action.

"En 1976, M. Domenico Mazzone réalise un buste du Père Laval. Sculptée sur le socle en bois, une croix. S’y accrochent 3 anneaux éclatés, ouverts. Symboles de l’action de libération de l’esclavage réalisé par celui que l’île entière appelle, à la suite du cardinal Margeot, " l’apôtre de l’unité mauricienne dans sa diversité culturelle, raciale, sociale et religieuse ".

Que viennent chercher, aujourd’hui, ces milliers de pèlerins auprès du Père Laval ? Réponses : " la force d’affronter les problèmes de la vie ", " le courage de supporter les souffrances qui ne peuvent guérir ", " la lumière de l’esprit pour guider nos enfants "…
Chaque semaine, près de 6 000 lumignons illuminent son caveau.

" À travers la prière et par l’intercession du P. Laval, beaucoup de malades du corps, de l’esprit et du cœur ont trouvé le chemin de la guérison ", écrit L’Aurore, le magazine de la Mission catholique chinoise (n° 116, sept. 2006).

Une réalité, une évidence que les croyants se redisent les uns aux autres. Le Père Laval continue aujourd’hui de faire du bien. Un fait qui incite celles et ceux qui continuent sa mission d’évangélisation à sortir, à sa suite, les plus pauvres de situations indignes de l’homme.

Louis Verchère