3/19/2009

La béatification du Père Laval


« … Et je proclame Bienheureux, Jacques-Désiré Laval. »

La béatification du Père Laval fut une grande joie pour les Mauriciens, même si ces derniers avaient depuis longtemps réglé la question de son éventuelle sainteté. La cérémonie de béatification eut lieu le dimanche 29 avril 1979 à 9h30, en la Basilique de Saint-Pierre de Rome et en présence de plus de vingt cardinaux, trente évêques et d’une grande foule, parmi laquelle étaient présents de nombreux Mauriciens et Normands.



Le pape Jean-Paul II prononça une homélie, par laquelle il indiqua officiellement le rôle spirituel tenu par le Bienheureux Jacques-Désiré Laval. Il parla de la vie, des vertus du nouveau bienheureux, de sa mission évangélique et des difficultés rencontrées lors de son activité apostolique. Le Saint-Père invita aussi les chrétiens du monde entier à le prendre pour modèle : « Il est évidemment impossible de relever ici tous les faits saillants de la vie du Père Jacques-Désiré Laval, ni toutes les vertus chrétiennes qu’il a pratiquées à un degré héroïque. Retenons ce qui caractérise ce missionnaire, au regard de la mission actuelle de l’Eglise.

C’est d’abord son souci d’évangéliser les pauvres, les plus pauvres, et, en l’occurrence, ses « chers Noirs » de l’île Maurice, comme il les appelait. Français, il avait commencé par exercer la médecine dans une petite cité de son diocèse natal d’Evreux, mais peu à peu, l’appel à un amour sans partage du Seigneur, qu’il avait un certain temps refoulé, lui fit abandonner son métier et la vie mondaine : « Devenu prêtre, je pourrai faire plus de bien », expliquait-il à son frère. Vocation tardive au séminaire Saint-Sulpice de Paris, il y fut aussitôt préposé au service des pauvres ; puis, comme curé de la petite paroisse normande de Pinterville, il partageait tout son avoir avec les indigents.

Mais en apprenant la misère des Noirs d’Afrique et l’urgence de les amener au Christ, il obtint de partir à Maurice avec Mgr Collier.

Durant vingt-trois ans, jusqu’à sa mort, il consacra tout son temps, usa toutes ses forces, donna tout son cœur à l’évangélisation des autochtones : sans jamais se lasser, il sut les écouter, les catéchiser, leur faire découvrir leur vocation chrétienne. Souvent aussi, il intervint pour améliorer leur condition sanitaire et sociale.

L’acharnement qu’il y mit ne cesse de nous étonner, surtout dans les conditions décourageantes de sa mission. Mais, dans son apostolat, il alla toujours à l’essentiel.

Le fait est que notre missionnaire a laissé derrière lui d’innombrables convertis, à la foi et à la piété solides. Il n’était point porté vers les cérémonies tapageuses, séduisantes pour ces âmes simples mais sans lendemain, ni vers les envolées oratoires. Son souci éducatif était très inséré dans la vie, il ne craignait pas de revenir sans cesse sur les points essentiels de la doctrine et de la pratique chrétiennes, et il n’admettait au baptême ou à la première communion que des gens préparés par petits groupes et éprouvés. Il prit grand soin de mettre à la disposition des fidèles des petites chapelles disséminées dans l’île.

Une autre initiative remarquable, qui rejoint le souci de nombreux pasteurs aujourd’hui : il s’adjoignit des collaborateurs, hommes et femmes, comme chefs de prière, catéchistes, visiteuses et conseillères des malades, responsables de petites communautés chrétiennes, autrement dit : des pauvres, évangélisateurs de pauvres.

Quel est donc le secret de son zèle missionnaire ? Nous le trouvons dans sa sainteté : dans le don de toute sa personne à Jésus-Christ, inséparable de sa tendresse pour les hommes, surtout pour les plus humbles, qu’il veut faire accéder au salut du Christ. Tout le temps qu’il ne consacrait pas à l’apostolat direct, il le passait à prier, surtout devant le Saint-Sacrement, et il joignait continuellement à sa prière : mortifications et pénitences, qui ont très vivement frappé ses confrères, malgré sa discrétion et son humilité. Lui-même confie souvent le regret de sa tiédeur spirituelle - disons plutôt le sentiment de sa sécheresse : n’est-ce pas précisément qu’il accorde le plus grand prix au fervent amour de Dieu et de Marie, auquel il veut initier ses fidèles ? C’est là aussi le secret de sa patience apostolique : « C’est sur le bon Dieu tout seul et sur la protection de la Sainte Vierge que nous nous appuyons. » (lettre du 6 juillet 1853) Quelle magnifique confession !

Sa spiritualité missionnaire s’était d’ailleurs inscrite, dès le début, dans le cadre d’un jeune Institut religieux et marial, et il eut toujours à cœur d’en suivre les exigences spirituelles, malgré sa solitude et son éloignement géographique : la Société du Saint-Cœur de Marie, dont il fut l’un des tout premiers membres au côté du célèbre Père Libermann, et qui sera bientôt fondue avec la Congrégation du Saint-Esprit (Les Spiritains).

L’apôtre, aujourd’hui comme hier, doit d’abord entretenir en lui la vigueur spirituelle : il témoigne de ce qu’il puise continuellement à la source.

Voilà un modèle pour les évangélisateurs d’aujourd’hui. Qu’il inspire les missionnaires, et, j’ose dire, tous les prêtres, qui ont d’abord la sublime mission d’annoncer Jésus-Christ et de former à la vie chrétienne !

Qu’il soit, à un titre particulier, la joie et le stimulant de tous les religieux spiritains, qui n’ont cessé d’implanter l’Eglise, notamment en terre africaine, et y œuvrent avec tant de générosité !

Que l’exemple du Père Laval encourage tous ceux qui, sur le continent africain et ailleurs, s’efforcent de bâtir un monde fraternel, exempt de préjugés raciaux !

Que le Bienheureux Laval soit aussi la fierté, l’idéal et le protecteur de la communauté chrétienne de l’île Maurice, si dynamique aujourd’hui et de tous les Mauriciens !

A ces souhaits, je suis heureux d’ajouter un salut très cordial à la Délégation du Gouvernement de l’île Maurice, comme aussi à celle du Gouvernement français qui sont venues participer à cette cérémonie... »

Le Pape Jean-Paul II plaça son Pontificat sous la protection du Bienheureux Père Laval.