10/20/2008

Pèlerin ?

Depuis que l’homme, curieux de nature, se déplace à la recherche d’autres lieux, la caravane, le pèlerinage existent. Pour ce dernier, la quête de nouveauté n’est pas migratoire ou commerciale, mais d’ordre essentiellement spirituelle. Du pèlerinage, on espère un renouveau, une découverte, récompense d’un effort, d’un don de soi à la fois physique et financier, en même temps que le réconfort d’une fraternité en action sur les routes qui mènent vers cette « autre chose »…

Ces itinéraires, aujourd’hui sécurisés, furent jadis des entreprises aventureuses, qui nécessitaient de se grouper pour mieux faire face à des bandes de brigands redoutées. Du mot latin « pelegrinus », puis « peregrinus », étranger voyageur, l’on a fait « pèlerin » qui prit le sens religieux que nous lui connaissons. Les différents cultes religieux réglementent l’obligation du pèlerinage pour tout fidèle, qui doit rendre hommage à la divinité et payer de sa personne – gagner des indulgences, disait-on au Moyen Age… Naturellement, ces lieux de pèlerinage sont des sites extraordinaires, inscrits dans la mémoire collective pour avoir été illuminés par des prodiges, des apparitions, ou sanctifiés par le sang des martyrs persécutés au cours de l’Histoire…

L’expression « pèlerinage aux sources » remonte en fait à une pratique antérieure au christianisme ; liée parfois à des légendes où la « source » jaillie de « dessous terre » passait pour avoir des vertus de purification et de guérison. Il en est resté cet usage d’« aller prendre les eaux » dans des stations thermales pour des raisons similaires. L’eau pure, sortie du ventre de la terre, aide à guérir en de nombreux endroits, reconnus par le corps médical, (Vichy, Forges-les-eaux, Vittel, Plombières, etc. pour n’en citer que quelques-unes en France).

Cependant, le pèlerin va se ressourcer là où il espère, soit une guérison, soit un regain de vitalité spirituelle. Pratique déjà vivace chez les Hébreux, la Loi juive imposant obligation au chrétien d’accomplir chaque année trois pèlerinages à Jérusalem. On sait, d’autre part, la vénération que suscitent les sources du Gange, lieu visité par les Hindous…

Ces sanctuaires, dont le renom s’est étendu « urbi et orbi », attirent au Moyen Age des foules considérables, à la fois curieuses et pénétrées d’une foi profonde. Ce fut l’époque où Dieu se mêlait au plus près des affaires des hommes… Milliers de marcheurs, accompagnés ou non de gardes armés pour dissuader les malandrins, détrousseurs de convois, en route vers une lumière, une espérance, la foi en marche. Du temple de Salomon, on en arrive aux grands lieux dont des guérisons « miraculeuses » assurent la réputation. Propice, l’époque de la Pâque, avec ses routes moins froides et plus sèches. Sont exclus de ces randonnées périlleuses enfants, femmes, vieillards et impotents, car les chariots sont déjà bien chargés… Ainsi que bœufs et chevaux. L’important n’est pas d’aller vite – comment le pourrait-on ? – mais de parvenir au but. Cela peut durer des semaines, des mois… En route, on troque, on demande la charité, les dons permettent de poursuivre…

Et beaucoup n’en reviendront pas : fatigue excessive, épidémies, désertions pour… ailleurs.

Curieusement, en notre époque moderne, la pratique du pèlerinage, assez oubliée ces derniers siècles (guerres, révolutions, progression de l’athéisme…) revient par d’autres portes : goût du voyage, sûreté des routes, recours médicaux en cas de nécessité…Mais aussi hommage à l’audace sacrée de ces gens qui n’hésitaient pas à « tout laisser » pour partir vers l’incertain, confiés à Dieu et à la Vierge Marie. Mais, aujourd’hui encore, on part en pèlerinage pour obtenir une guérison ou remercier d’une prière exaucée : retour d’un fils parti à la guerre, aide spirituelle, et toujours des guérisons inexpliquées par la médecine… Annuellement, on compte cinquante millions de pèlerins qui visitent les différents sanctuaires français, dont certains sont mondialement fréquentés : le Mont Saint-Michel, Lourdes, Lisieux, Chartres, la Vierge Noire du Puy-en-Velay, Sainte-Catherine Labouré, rue du Bac à Paris, chère aux Mauriciens, (comme aussi le village de Pinterville, près de Louviers, où le Père Laval commença son apostolat). Rocamadour, situé dans le Lot, où l’on prie une Vierge Noire, et qui est aussi un site magnifique et sauvage… Bien d’autres encore.

L’un des plus célèbres reste, en Espagne, Saint-Jacques de Compostelle, qui fut jadis une marche héroïque venue de différents points d’Europe. La Tradition dit que Jacques, proche de Jésus – (l’exégèse moderne a établi qu’il était son frère) – aurait débarqué en Espagne, évangélisé l’Andalousie. Un « Guide des Jacquets » facilitait le voyage du pèlerin médiéval, muni du bâton et de la coquille Saint-Jacques…

Notre année 2008 fête le 1 300ème anniversaire du pèlerinage au Mont Saint-Michel, cette « merveille de l’Occident, au péril de la mer »… Avec trois millions de visiteurs par an, c’est l’un des sites les plus visités de France…

Michel BEDU, L'express Dimanche